Remplir les journées
Maintenant que je ne travaille plus pour la vieille, que je n'ai pas de réponse du truc où j'avais passé un entretien l'été dernier, que j'ai officiellement abandonné l'idée de donner des petits cours au tarif d'une femme de ménage parisienne, et qu'il y a trois chances sur quatre pour que nous rentrions à Paris en juin 2009, je ne cherche pas de boulot et je profite de ma liberté... Mais quand je dis ça et qu'on me demande "comment je remplis mes journées", je me retrouve à bafouiller, à raconter n'importe quoi, que je visite la ville, que je lis beaucoup (c'est vrai mais pas que...), que j'envoie des mails à des amis, et je sens qu'on me trouve bizarroïde, qu'on me regarde de travers...
Mais j'ai l'impression, quand on me pose cette question, et ma paranoïa légendaire n'y est pas pour rien, certainement, que l'on pénètre dans mon intimité. Me demander comment j'occupe mes journées, c'est comme de me demander de quel côté du lit je dors... Broder une demie-heure avec france inter qui tourne sur l'ordinateur, essayer un pull dans une jolie boutique, écouter un disque, nettoyer la baignoire, déchiffrer du Bach à l'alto, acheter un joli stylo ou une feuille de papier-cadeau artisanal, faire des cookies au chocolat et les engloutir le lendemain matin, lire deux articles politiques sur le site du New York Times, regarder par la fenêtre les nuages d'oiseaux en fin de journée, faire un tour dans une librairie... Comment répondre cela à ceux qui me demandent, en passant " comment j'occupe mes journées"... "j'essaye des pulls" ?? Alors je dis des trucs idiots et j'ai l'impression qu'on voit sur mon visage que je suis en train de mentir...
Et en même temps, qu'attendent-ils de ma réponse ?... Que je leur réponde que j'ai monté une fanfare ;-), que j'écris un livre sur mon inoubliable expérience romaine, que je fais le secrétariat privé de mon chéri, que je dépense des fortunes dans les boutiques, que je me suis lancée dans une thèse sur le bicamérisme à l'italienne, que je vais cinq fois par semaine chez un psy pour me plaindre de ma condition de chômeuse dorée, que j'enlève des petits enfants pour justifier mon existence de femme au foyer...Un jour, à cette question, je devrais répondre "à ton avis ?" pour savoir un peu ce que les gens attendent de moi, de cette réponse, et de toutes celles qui comme moi, sont hors du champ du travail... "sans raison" (comprendre : "sans enfant")
rien à voir avec le schmilblick mais j'aime l'ambiance mélancolique de cette photo pluvieuse...