La confiance
99% du temps, j'ai une confiance absolue en l'avenir... Depuis peu...
Car avant, l'angoisse du lendemain m'étreignait régulièrement et me plongeait dans une torpeur atroce, je conservais, j'épargnais, je pensais à ce qui m'arriverait si je craquais et dépensais mes quelques sous, si je quittais mon job sans avoir de filet de sécurité, si je lâchais ce que j'avais sur le coeur à l'homme de ma vie, si je n'avais pas d'enfant avant 30 ans...
Peur de ne pas être à la hauteur de l'image qu'on avait de moi, sérieuse, responsable, qui suit bien le chemin tracé depuis longtemps par maman "tu auras un salaire, tu seras indépendante"... Interprétation étriquée de cette phrase, peu importe l'intérêt ou l'écoeurement procuré par mon job, ce qui compte c'est le salaire et les horaires tranquilles... Jusqu'à satiété, jusqu'à écoeurement, j'ai suivi cette piste. Jusqu'à l'absurde et la schizophrènie d'un boulot nullissime.
Peur d'être seule, abandonnée, si j'avais le malheur de révéler la vraie personne que j'étais. Inspirée par le magma de mensonges dans lequel j'avais grandi, par les silences épuisants sur lesquels plusieurs générations se sont construites dans ma famille. Réceptacle de tous ces mensonges, de toutes ces accusations, dos au mur, avec pour seule solution de couper les ponts, volontairement, pour longtemps.
Avare, préoccupée par le moindre petit sou dépensé, jusqu'à me contraindre à vivre avec 150€ par mois quand j'étais étudiante...
Et puis, un jour, ouvrir les vannes, lâcher l'affaire, être dans le rouge tous les mois ;-) Lâcher mon boulot, partir à l'étranger, dépendre financièrement de l'homme, me faire payer mes vacances, mes fringues, mes bouquins, passer des journées à bouquiner et à broder, savoir qu'un jour on aura une famille, passer dans le camp de ceux qui se sentent sûrs... Sans me poser de questions, avec une confiance absolue dans la suite des événements...
Mais de temps en temps les vieux démons remontent, au détour d'un reportage bidon sur la crise en France, l'angoisse au creux du ventre, la peur d'être abandonnée, de ne pas trouver de travail quand je rentrerai en France et "quand est-ce-que je serai vraiment une adulte responsable ?" avec un travail sérieux, des enfants, un appart, des économies...
Secouer la tête, vivre au jour le jour, pour ne pas sombrer...