LA grande expo du moment en Lorraine

On ne parle que de ça, tout le monde y va (ce qui est amusant dans une région où la majorité des gens ne va juste jamais au musée :). Alors bon ben moi aussi j'y suis allée...

1917. C'était le nom/thème de l'expo.
Judicieux dans cette région dévastée par cette guerre qui a marqué les paysages, les hommes et les esprits. 1917, année de naissance de ma petite grand-mère, née d'une paysanne lorraine germanophone et d'un soldat juif allemand...

L'expo revient longuement sur les horreurs de la guerre et la façon dont les artistes ont tenté de les dépeindre, de les faire vivre à leurs spectateurs. Chacun à sa manière, "le nez dedans", ébloui, écoeuré, décalé (comme Paul Klee qui continue à dessiner au crayon des petits oiseaux sur des sapins...).

Félix Vallotton et le cimetière militaire de Châlons sur Marne...

Zadkine et la tristesse de cette ambulance de campagne

Paul Klee et ses petits oiseaux

Bon ben là, ça craint je sais plus qui a fait ce tableau pourtant magnifique... :(

Des guerriers d'Emil Nolde

Vous commencez à le comprendre, cette expo était gigantesque. Et plus j'avançais, plus j'étais saisie, à la limite de l'indigestion par le parti pris de "tout caser" choisi par les commissaires.

Parce que figurez-vous qu'en 1917, outre toutes ces oeuvres "de guerre", il y avait aussi la Révolution Russe, le mouvement Dada, les urinoirs de Duchamp, la provocante Princesse K de Brancusi, Chagall et Kandinsky fous amoureux de leurs femmes, les mutilés qui commencent à revenir du front et qui inspirent de nombreux artistes fascinés par cette déchéance du corps, Lartigue qui photographie les femmes en maillot de bain à Biarritz, Matisse, Monet qui peint tout seul dans son coin ses gigantesques nympheas, des tas d'affiches de propagande (toutes plus belles les unes que les autres mais sont-elles à leur place ici ?), des reportages photos sur les bataillons féminins de l'Armée Rouge... aarggg n'en jetez plus !! Sans compter la première de Parade, ballet sur une musique de Satie, au livret écrit par Cocteau et aux costumes et décor dessinés par Picasso... difficile d'imaginer plus belle distribution.

Et en même temps, effet pervers entre tous, je me suis surprise à être un peu écoeurée par cette superposition : ces hommes en train de se faire détruire (dans tous les sens du terme) dans les tranchées, ensevelis par l'horreur, déshumanisés au plus profond d'eux-mêmes, seuls, souffrants... et, à 200 kms de là, ceux qui s'amusent, ceux qui dessinent et qui peignent. Avoir honte de moi en entendant deux secondes le mot "planqué" surgir dans mon cerveau avant de me dire qu'il est beau et bon que dans toutes les périodes des hommes créent et cherchent le Beau. Mais tout de même, je me demande comment ces choix ont été compris par les autres visiteurs...

Bref, pour finir, beaucoup beaucoup (trop ?) de très belles pièces qui auraient sans doute valu de faire plusieurs expositions plutôt qu'une seule aussi longue et confuse...

Le carnet de notes de Marcel Proust (mais que fait-il ici ??)

Et le fameux rideau de scène de Parade, peint par Picasso et conservé dans les caves de Beaubourg depuis des années sans être exposé :(

Et quelques photos des magnifiques costumes de scène de ce spectacle :

Un homme-Picasso !!!!!!! Regardez bien, c'est un vrai danseur (cf ses jambes !!) transformé en tableau cubiste... J'adooore !
 et une pure merveille des Ballets russes...